Éléments juridiques
I Les devoirs du blogueur au regard de la loi « LCEN : Loi sur la confiance dans l’économie numérique »
Le blogueur est un éditeur
Le blogueur est considéré, au sens de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN, article 6-III), comme « éditeur d’un service de communication publique en ligne ».
Les obligations découlant de ce statut
De ce point de vue, il doit, en tant que personne physique :
- Déclarer son identité à son hébergeur (ou à son fournisseur d’accès en cas d’hébergement direct par le fournisseur d’accès).
- Faire figurer sur le site ses coordonnées (nom, prénom, domicile, numéro de téléphone), ainsi que les nom, dénomination, adresse et numéro de téléphone de son hébergeur. S’il souhaite garder l’anonymat, le blogueur devra faire figurer les coordonnées de son hébergeur sur son blog, en vérifiant qu’il lui a transmis ses éléments d’identification personnelle.
- Publier gratuitement, et sous trois jours à compter de la réception de la demande, un éventuel droit de réponse.
II Le respect des droits soumis à autorisation
Propriété intellectuelle et vie privée
Par ailleurs, le blogueur est également tenu de respecter les différents droits soumis à autorisation. Ainsi en est-il notamment des dispositions relatives au droit de la propriété intellectuelle (autorisation nécessaire à toute reproduction de marque ou d’oeuvre protégée par le droit d’auteur) ou au droit au respect de la vie privée (diffusion d’images, qu’il s’agisse de personnages publics ou privés, d’éléments sur la vie sentimentale, la santé, le patrimoine de personnes identifiables).
III La collecte de données personnelles
Se conformer à la loi Informatique et Libertés
Le blogueur doit, en outre, s’il conserve des données personnelles (exemple : nom, adresse électronique, etc.) pour un usage professionnel, se conformer aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978, dite « Informatique et Libertés », modifiée par la loi du 6 août 2004.
Déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés CNIL, information des internautes…
Le blogueur a ainsi l’obligation de déclarer son site à la CNIL, et d’informer les internautes déposant un message sur son blog des droits dont ils disposent au titre de la loi Informatique et Libertés. Il lui incombe de leur signaler la finalité de la collecte, l’existence et les modalités d’exercice du droit d’accéder aux informations qui les concernent et de les faire rectifier le cas échéant, en indiquant la façon d’exercer ce droit (notamment, à qui s’adresser pour l’exercer). En outre, le blogueur doit informer les internautes de la possibilité qu’ils ont de s’opposer, pour des motifs légitimes, au traitement de leurs données. De même, le blogueur a l’obligation de signaler aux visiteurs si les informations reçues sont transmises à des tiers, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne, et si sont mis en place des cookies, ainsi que le moyen de s’y opposer.
IV Les infractions issues de la loi sur la presse
Des écrits qui peuvent être réprimés
Sur le plan pénal, le blogueur engage sa responsabilité vis-à-vis notamment de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 (apologie de crime contre l’humanité, incitation à la haine raciale, diffamation…) quant à ce qu’il écrit lui-même sur son blog. C’est cette responsabilité qu’invoque la ville de Puteaux dans un procès qu’elle intente à un blogueur ayant repris sur son blog le contenu d’un article publié par un quotidien (Le Parisien) ayant lui-même entraîné une action en diffamation de la part de la municipalité. Cependant, dans ce cas précis, il faudra attendre le jugement de cette action, prévu début 2006, pour connaître l’exacte étendue de la responsabilité conférée au blogueur.
Surveiller les commentaires des internautes
Dans certains cas, le blogueur peut également être tenu pour responsable des commentaires émis par les participants à son blog.
La loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle prévoit en effet que :
« au cas où l’une des infractions prévues par (…) la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication (…) sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public. »
On peut considérer que cette fixation préalable n’existe pas sur un blog où, de la même manière que sur un forum de discussion sans modérateur, les messages des participants sont immédiatement affichés sans contrôle du blogueur. Néanmoins, il peut être utile pour le blogueur de le rappeler de manière expresse à ses visiteurs afin de s’exonérer de cette responsabilité en tant que directeur de la publication.
Si la responsabilité du blogueur est alors écartée en tant que directeur de la publication, elle pourrait être recherchée si l’auteur n’était pas identifiable. À ce titre, il est conseillé aux blogueurs de se réserver la possibilité d’identifier les participants qui déposent un message en leur faisant, par exemple, remplir un formulaire.
En outre, le blogueur peut voir sa responsabilité pénale engagée en tant que complice, sur le fondement de l’article L. 121-7 du Code pénal, qui dispose qu’est complice « la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation ».
V Le blogueur et son employeur
Des sanctions possibles
Sur un plan professionnel, il est également possible d’imaginer qu’un blog d’un salarié comprenant des commentaires sur son entreprise puisse lui causer des ennuis. En effet, la Cour de cassation a rappelé que le comportement du salarié dans sa vie privée peut justifier une sanction disciplinaire si ce comportement cause un trouble caractérisé dans l’entreprise. Par ailleurs, le salarié est tenu à une obligation de loyauté envers son employeur.
Faire preuve de vigilance
En conclusion, la responsabilité tant civile que pénale du blogueur peut être engagée du fait du contenu de son blog, et il lui appartient par conséquent d’être particulièrement vigilant quant aux différentes contraintes législatives applicables en la matière.
VI Le blogueur en tant qu’hébergeur
Blogueur = hébergeur ?
La question se pose de savoir si le blogueur peut être considéré comme un hébergeur au sens de la loi LCEN, du fait notamment des commentaires que les tiers peuvent instantanément porter sur le blog.
Cette possibilité est intéressante pour le blogueur, car elle lui permettrait de limiter sa responsabilité.
En effet, s’il lui incombe, en vertu de la loi LCEN, de réagir dès qu’il a connaissance d’un contenu litigieux et/ou qu’il reçoit une notification dans ce sens, l’hébergeur n’est cependant pas tenu à une obligation générale de surveillance.
Un statut plus avantageux
Pour pouvoir bénéficier de ce statut plus avantageux, le blogueur devrait, en cette qualité, assumer et respecter l’ensemble des obligations qui sont celles des hébergeurs, à savoir :
- détenir et conserver « les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu » ;
- supprimer promptement les contenus illicites ;
- réagir aux notifications ;
- mettre en oeuvre des moyens de lutter contre la diffusion de contenus pédo-pornographiques, relatifs à l’incitation à la haine raciale ou à l’apologie de crimes contre l’humanité.
Une jurisprudence encore inexistante
Dans une ordonnance rendue par le tribunal de grande instance de Paris en référé le 18 février 2005, le juge a considéré qu’une société qui avait mis en ligne un forum de discussion devait être considérée comme un hébergeur. En raison des similitudes existant entre les forums de discussion et les blogs, on peut envisager la qualification du blogueur lui aussi en tant qu’hébergeur. Néanmoins, il s’agit seulement d’un jugement de première instance rendu en référé… Reste donc à attendre de voir quelles seront les décisions rendues sur le fond pour savoir de quel coté penchera la balance…
VII Recommandations
Identifier les auteurs de messages
Si le contenu d’un blog est susceptible d’amener à l’écriture par des internautes de contenus présentant un caractère polémique ou litigieux, il est conseillé au blogueur de disposer de l’identité et des coordonnées de l’auteur du message, voire de son représentant légal s’il est mineur.
Définir les règles et surveiller
De même, des règles d’utilisation s’appliquant aux contenus envoyés par les participants peuvent être proposées avant publication du message.
À défaut, il est conseillé au blogueur d’examiner régulièrement son blog et d’y supprimer au plus vite tout message à caractère litigieux.
À noter
D’autres règles conventionnelles peuvent s’appliquer à un blogueur, comme l’ont démontré des cas d’exclusion d’établissement scolaire en application d’un règlement intérieur. De même, une entreprise peut être amenée à prendre des sanctions contre un salarié la dénigrant en tant que blogueur.